Interview

Publié le par Rémora

Bonjour Monieur F. Vous êtes la deuxième fortune du monde et c’est le premier interview que vous donnez à la presse – j’en suis très heureuse – et j’espère révéler à nos lecteurs un peu du mystère qui entoure votre personne.

 

Bonjour Mademoiselle. J’espère pouvoir être aussi précis que possible.

 

Monsieur F, vous avez souvent souligné que vous aviez commencé à zéro et que, d’étudiant pauvre, vous êtes devenus le possesseur d’une des plus grandes fortunes du monde. Comment cela s’est-il passé ?

 

Et bien voyez-vous, mademoiselle, cela a commencé tout à fait par hasard, pourrais-je dire. J’avais entrepris des études peu intéressantes et je dois avouer que j’étais plutôt mauvais élève. Je n’avais pas beaucoup de perspectives d’avenir quand, pas un incroyable coup du destin, elles se sont présentées à moi sous la forme de trois truands qui m’ont laissé pour mort sur le bas-côté de la route après m’avoir battu et dépouillé.

Heureusement, il a fallu peu de temps à la police pour les retrouver et le procès qui s’en est suivi leur a apporté des années de prisons – et m’a rapporté des dizaines de milliers. C’était seulement le début de ma fortune : j’ai tout de suite arrêté mes études et j’ai commencé à vivre sur mes dommages et intérêts.

 

Et pas la suite, vous n’avez jamais travaillé, même pour faire fructifier votre argent ? Vous n’avez été engagé par une entreprise ou alors créé la vôtre ?

 

Jamais. Je peux me vanter d’avoir réussi ce dont tous rêvent mais ne parviennent pas à faire : je n’ai jamais travaillé une seule seconde de toute ma vie, si on fait exception de la rédaction de mes mémoires.

 

Mais on peut supposer que l’argent que vous avez réuni à cette époque n’a pas suffi à vous acheter les magnifiques manoirs que vous possédez aujourd’hui ; votre histoire ne s’arrête pas là, je suppose.

 

En effet, ma bonne fortune ne faisait que commencer. Tout d’abord, j’ai épousé la fille d’un riche entrepreneur et, quand elle m’a quitté après m’avoir trompé, selon les lois en vigueur dans mon pays, elle a été tenue de me verser une somme mensuelle considérable, ce qui m’a permis d’aller encore plus loin ; j’ai gagné de nombreux procès, comme celui qui m’a opposé à l’industrie du tabac pour n’avoir pas indiqué qu’il ne fallait pas allumer les cigarettes du côté du filtre ; l’industrie des allumettes pour avoir omis de mentionner que le feu pouvait enflammer les matières inflammables, une compagnie de téléphone mobile pour avoir configuré par défaut une langue étrangère, entre autres, ou encore de nombreuses collectivités pour avoir copié illégalement des passages de mes mémoires.

 

Mais, la question que beaucoup se posent c’est « tout ceci n’est-il pas immoral ? »

 

Au contraire, je suis moi-même un humaniste et un démocrate. Je me bats pour le bien individuel et pour le bien commun, pour que chacun soit informé correctement des dangers des objets du quotidien, pour que les différents fabricants de toutes sortes cessent de prendre les gens pour des intellectuels capables de comprendre tous les tenants et les aboutissants des machines qu’ils inventent. Je pourrais dire que je suis un ami des petites gens.

 

Mais vous remportez à chaque fois de larges sommes pour cela, n’est-ce pas quelque peu démesuré ?

 

Bien sûr que non, je suis payé pour mes œuvres – au même titre que vous – je ne trouve pas que cela ait quoi que ce soit de choquant.

 

Je crois que nous avons bien compris votre point de vue, Monsieur F. Je pense que mes lecteurs se posent encore une question que je souhaite vous poser : vous entretenez une amitié de longue date avec l’homme le plus riche de monde, Monsieur H. Quelle est exactement votre relation ?

 

Monsieur H ? C’est mon avocat.

Publié dans Short short stories

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article