Insomnie

Publié le par Rémora

Cette nuit j’avais du mal à dormir. Ce n’est pas comme si c’était la première fois, mais cette fois, alors que la nuit était bien avancée, je n’ai pas pu m’empêcher de me relever, fatigué d’attendre un sommeil qui s’obstinait à ne pas venir. Je me décidai donc, sans vraiment réfléchir, à aller fumer une cigarette.

 

J’habite une chambre dans un foyer d’étudiants au cœur de la ville, au rez-de-chaussée, avec un balcon miniature qui donne malgré tout sur quelques arbres. La première chose que je vois donc, à chaque fois que j’ouvre mes rideaux, sont ces quelques végétaux pas bien grands et pas bien solides, mais suffisants pour masquer dans une certaine mesure la ville au-delà.

 

Quand j’ai ouvert les rideaux pour sortir, je me suis figé, surpris par la présence d’une silhouette dans l’obscurité, à quelques mètres de là, derrière un des arbres. La surprise passée, je me suis dit qu’il n’était pas forcément si inhabituel que quelqu’un se trouve là à cette heure. Je n’avais pas encore ouvert la fenêtre qui conduit au balcon, mais la silhouette ne bougeait pas. Elle semblait se coller à un arbre comme si elle allait l’embrasser.

 

Je sentis une paralysie terrifiante m’envahir : en y regardant de plus près, dans le noir, il me semblait que cette personne (mais en étais-ce vraiment une ?) portait une espèce de grande robe noire, une cape, un capuchon sur la tête, et je ne distinguais aucun visage sous tout cet attirail, comme si la nuit s’infiltrait dans le tissu, là où quelqu’un aurait dû se trouver.

 

Soudain, la capuche a bougé, regardant droit dans ma direction. Deux yeux – ou plutôt deux espèces d’étoiles sombres – semblèrent soudain plonger dans les miens, me parcourant de frissons de mort, tandis qu’un son étrange me fit brièvement bourdonner les oreilles, cacophonie infernale dans laquelle je crus distinguer le mot « rêve », comme surgi des profondeurs du cosmos. Au seuil de la panique absolue, je refermai violemment le rideau, le souffle court, une sueur froide et visqueuse inondant mon dos.

 

Tremblant, je rouvris le rideau pour m’assurer que je n’étais pas en plain délire. Il n’y avait personne. J’avais sûrement imaginé tout ça, à moins que je ne vienne de sortir d’un cauchemar de somnambule.

 

En tout cas, j’ai fini par m’endormir vraiment, mais mon sommeil était agité.

 

Ce matin, quand je suis sorti, après que le soleil a chassé la nuit, je me suis rendu auprès de l’arbre où j’avais aperçu cette silhouette de terreur.

 

Sur l’arbre, on avait gravé avec soin – presque du travail d’artiste – quatre lettres.

 

« Rêve »

 

De telles choses ne peuvent pas arriver. De telles choses ne peuvent pas arriver, n’est-ce pas ?

Publié dans Short short stories

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M
<br /> ...<br /> Elles t'arrivent à toi d'une manière ou d'une autre, visiblement!<br /> Quel doute délicieux que celui qui se pose sur l'existence et le rêve...<br /> Frissons contagieux, joli texte!<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Merci!<br /> <br /> <br />